Orientations de recherche

Mes recherches concernent bien sûr quelques thèmes majeurs : les communications sociales à propos de sciences et en particulier la muséologie des sciences, les sciences dans les médias,  les publics et les pratiques des publics des institutions culturelles, les pratiques de communication dans la recherche.

Dans tous les cas, c’est un intérêt pour l’enquête sur les rapports aux savoirs qui inspire mes recherches dans le champ des sciences de l’information et de la communication.

Je cherche depuis longtemps à développer une approche communicationnelle des pratiques de circulation des savoirs, dans des milieux institutionnels particuliers. C’est la pratique de terrain qui me fournit l’ancrage dans la communication : je développe depuis des années un parti-pris empirique pour décrire et problématiser les tensions et les articulations les pratiques de la communication ordinaire interpersonnelle, les modèles de la communication professionnalisée et les normes de la communication intégrée à des procédures scientifiques normées dans l’enquête de recherche. L’enquête sur la condition des publics et sur celle des agents dans des espaces institutionnels qui ont recours à des professionnels des médias et de la communication  active ces différents registres.

Je réfléchis à ce que j’ai appelé une mise en œuvre empirique de la réflexivité dans enquête, dans les sociabilités scientifiques et dans les productions de la recherche qui ont une dimension médiatique et culturelles.

Il s’agit d’expliciter les conditions de production des savoirs que nous produisons et d’élargir le domaine de ce qui est discutable et partageable entre chercheurs.

Les résultats en terme d’effets de ce parti-pris sur la recherche, sont dans mon propre cas une redéfinition des notions qui regroupent et pré-conceptualisent les phénomènes, liés à la circulation des savoirs et au fonctionnement des médias, sur lesquels portent les observations et enquêtes : le rapport au terrain, le public, les usages,  les représentations.

La démarche empirique d’intégration des communications de recherche dans la problématique est développée pour trois niveaux de mise en œuvre de la recherche :

  1. Le niveau d’un projet de recherche individuel du type thèse, qui peut durer toute la vie : le chercheur face à son terrain et construisant son objet. A ce niveau, l’articulation entre sens commun et méthode est saisie dans les pratiques d’enquête et plus précisément, la relation interindividuelle à des personnes lors des entretiens, des collectes, de la constitution des corpus, etc. L’enquête est une situation de communication sociale qui active des formes culturellement construire des relations à la science pour les enquêteurs et pour les enquêtés. Le statut du public par exemple, s’actualise dans ces situations d’enquête.
  2. Le niveau de la synthèse d’un ensemble de recherches inspirées par une problématique particulière : dans mon cas, les usages des technologies de la communication. Il s’agit de réintégrer dans la réflexion sur les pratiques de recherche l’ensemble des cadres et des situations trop souvent omises dans la réflexion sur la méthode : contextes politiques et administratifs de la programmation de la recherche, situations subies ou choisies, savoirs de proximité, démarches d’occasion, qui participent de la construction des objets Les effets en termes de construction de connaissance  sont une orientation, qui est celle du renoncement à une montée en généralité, et une radicalisation de l’exigence de gagner en précision – les usages comme entrées dans les phénomènes définis par rapport à une offre, et par rapport à des objets, mais qui ouvrent la voie à l’observation d’autres phénomènes : des composites (notion définie dans mon habilitation à diriger des recherches).
  3. Le niveau de la construction d’un collectif : l’articulation entre sens commun et recherche y est travaillée  dans la création d’espaces interdisciplinaires et intergénérationnels qui permettent la construction d’une intersubjectivité très située, entre membres de collectifs de recherche. Ce niveau de mise en œuvre de la réflexivité collective est celui qui a inspiré la plupart de mes initiatives institutionnelles avec le pilotage d’une communauté de recherche en études de sciences ou la réflexion sur les formes de sociabilité scientifique et d’alliance inter-institutionnelle (entre musées et équipes de recherche par exemple). Par exemple, nous avons dans des programmes interdisciplinaires avec des biologistes, réfléchi à partir de nos propres recherches en commun et éprouvé le fait que les distances disciplinaires s’établissaient parfois moins entre sciences sociales et biologie, qu’entre chercheurs de terrain et chercheurs en laboratoire. Les conséquences sont très importantes en termes de développement du dialogue et construction des objets.

Depuis 2003, dans l’espace plus particulier de l’équipe de recherche C2SO (devenue composante du centre Norbert Elias en 2010), j’ai développé avec mes collègues et en particulier Igor Babou une réflexion sur la description de formations à la fois discursives et matérielles qui permettent de faire circuler les savoirs, et d’en suivre les transformations : il peut s’agir par exemple d’analyser des ensembles composés d’objets textuels et de discours qui sont tous reliés entre eux dans le cadre d’une tâche précise effectuée par des documentalistes ou des étudiants dans une bibliothèque universitaire. Il s’agit également d’analyser comment des corpus documentaires sont annotés et transformés par des usagers savants pour créer de nouveaux corpus dans le cadre des recherches qu’ils ont à mener. Dans le même esprit, Nous avons développé une comparaison entre les représentations de la science dans des émissions de télévision et des expositions, en définissant des critères de description communs (modalités énonciatives, métaphores, traitement des thèmes, etc.).

Ces recherches nous permettent de décrire, de comparer, et de voir évoluer des formations composites encore trop souvent considérées de manière séparée par les sciences humaines et sociales, ainsi que par les techniques de mise en forme et de mise en circulation des savoirs (textes et images, objets et panneaux d’expositions, banques de données, corpus documentaires, etc.). Il s’agit donc de mener une réflexion sur les représentations sociales des savoirs en articulant un travail sur les textes et les images, les discours des acteurs, et les productions médiatiques (en particulier la télévision et les expositions).